Never Rarely Sometimes Always Royaume-Uni, Etats-Unis 2020 – 101min.

Critique du film

Never Rarely Sometimes Always

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

Confrontée à une société conservatrice, une ado entreprend un voyage en bus avec sa cousine, direction la Grosse Pomme, afin d’y subir un avortement. Présenté au festival de Sundance en début d’année et lauréat du Grand prix du jury à la Berlinale en février, Never Rarely Sometimes Always, porté par les deux jeunes actrices Sidney Flanigan et Talia Ryder, est une plongée abrupte dans l’Amérique populaire réfractaire au libre arbitre des femmes.

Dans son bled de Pennsylvanie, lors du spectacle de son école, Autumn (Sidney Flanigan) entonne un refrain guitare à la main. Une insulte proférée parmi le public et le ton est donné: une ambiance familiale hostile, une vie sentimentale troublée dans cette bourgade aux couleurs austères, l’adolescente n’a pas grand monde vers qui se tourner. Alors, lorsqu’elle soupçonne une grossesse, elle se rend seule au planning familial du coin, gardant le secret pour elle. Sur place, le discours «pro-vie» ne laisse à la jeune fille que peu d’alternatives. Avec sa cousine Skylar (Talia Ryder), Autumn file à l’anglaise direction New York où elle peut subir une intervention de grossesse sans qu’un accord parental ne soit exigé.

La Pennsylvanie est pourtant toute proche de New York, mais le voyage entrepris par les deux adolescentes semble durer une éternité tant les obstacles rencontrés sont nombreux. Face à une Amérique rurale et conservatrice, la jeune Autumn se retrouve prise au piège, n’ayant d’autre choix que de tracer sa route là où elle pourra être comprise. De la désinformation dont elle est victime aux mensonges sur le stade réel de sa grossesse, tout est mis en œuvre pour que la jeune fille ne puisse pas choisir librement. Faisant écho à l’actualité, le film ne fait qu’illustrer une bien triste réalité: les femmes et leur libre choix encore et toujours pris en otage aux États-Unis et ailleurs.

Grâce à des plans filmés en 16mm, éclairés au minimum pour un rendu le plus réaliste possible, la réalisatrice et scénariste Eliza Hittman nous convoque dans ce coin de l’Amérique profonde et démunie où la jeunesse se heurte crument au harcèlement et aux abus. Trimballant leur lourde valise à travers la ville tel un fardeau - certains y verront une métaphore tout choisie -, le voyage à la fois d’émancipation et de délivrance des deux amies est avant tout une magnifique évocation de la sororité et du thème nécessaire du soutien des femmes envers les femmes.

Car si le sujet central du film est bien l’avortement et la question du libre choix, la solidarité entre femmes est aussi une thématique récurrente dans le récit. À travers le regard des deux protagonistes tout juste sorties de l’enfance, et avec toute la naïveté et fragilité que leur âge suppose, le film se débarrasse du superflu et dessine pudiquement les contours d’une belle amitié dépossédée de tout jugement, un formidable exemple de courage et de soutien dans l’adversité. Une leçon de vie pour les femmes, toutes générations confondues.

22.12.2020

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 4 ans

“Filles perdues dans Manhattan”

Un test confirme qu’Autumn est enceinte. Accompagnée par sa cousine Skylar, la jeune fille de Pennsylvanie se rend à New York pour pouvoir avorter.

« Tu n’as jamais rêvé d’être un garçon ? », demande Skylar à Autumn. « Oui, tout le temps. » En effet, pas facile d’être une fille. Il faut faire face à un petit ami méprisant, un père aux gestes et paroles ambiguës, un patron vicieux, des clients insistants, des passants dépravés… Le regard des hommes sur soi est une pression quotidienne. Et quand la grossesse est non désirée, c’est un fardeau supplémentaire qu’il faut supporter. Alors que certains centres médicalisés font du prosélytisme pour décourager celles qui ne sont pas prêtes à être mères, d’autres proposent un véritable soutien moral et psychologique. Quelques instants d’humanité dans un monde de brutes.

Peu aimable, le film évite tout glamour et élans mélodramatiques. Se rapprochant parfois du documentaire, il informe sans juger sur une réalité qui n’a rien de rose. Dans la jungle américaine, densifiée par la trompe de Donald, être une fille demeure un parcours de combattante. « Avez-vous déjà subi une relation non consentie ? Jamais, rarement, parfois, toujours ? ». Des larmes pour seule réponse.

6.5/10Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


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