Utøya 22 Juillet Danemark, Norvège, Suède 2018 – 91min.

Critique du film

Un cauchemar infernal bien réel

Alexandre Janowiak
Critique du film: Alexandre Janowiak

Six ans après les événements, le massacre terroriste de l'île d'Utoya est au cœur de deux longs-métrages en cette fin d'année 2018. Celui de Paul Greengrass, «Un 22 Juillet», produit par Netflix et présenté à la dernière Mostra de Venise, puis Utøya 22 Juillet, réalisé par le photographe-cinéaste Erik Poppe, pour une plongée dans un cauchemar infernal.

Utøya 22 Juillet suit les pas de Kaya, une militante des jeunesses travaillistes, lors du massacre d'Utøya en Norvège, perpétré par le terroriste d'extrême droite Anders Behring Breivik. Le long-métrage d'Erik Poppe s'ouvre sur des images d'archives tirées des caméras de surveillance d'Oslo, la capitale norvégienne, ce 22 juillet 2011. Le spectateur y découvre avec effroi les attentats à la bombe commis par Anders Behring Breivik avant de plonger quelques minutes plus tard dans l'enfer d'Utøya. Cet enfer, Erik Poppe décide de le mettre en scène de l'intérieur dans un unique plan-séquence glaçant. Tel un virtuose, il suit pendant près d'1h20 les étudiants-militants présents sur l'île au moment de l'arrivée du terroriste.

Particulièrement éprouvante, cette reconstitution des attentats meurtriers d'Utøya n'est pas à mettre entre toutes les mains. Filmée en temps réel, elle s'aligne sur la durée exacte du fait historique pour livrer un métrage d'une incroyable fidélité (le scénario a été élaboré avec l'approbation de nombreux survivants) et d'une puissance impressionnante. En effet, en suivant caméra au poing les étudiants et en particulier la jeune Kaya, le cinéaste s'applique à retracer l’événement à travers une vision subjective. Proche des personnages, caché derrière des buissons, frissonnant aux abords de l'eau ou sentant le dernier soupir de victimes agonisantes, le spectateur est ancré dans le film et ne peut jamais reprendre son souffle à l'image des protagonistes. Impossible ainsi de ne pas ressentir la peur, la colère, l'étonnement, la panique ou de simplement rester sans voix devant les scènes tragiques retracées par le long-métrage.

Évidemment, en reposant sur un unique plan-séquence immersif, le récit manque parfois de rythme. Certaines discussions entre les personnages ne présentent que peu d’intérêt ou finissent par s’éterniser. Il peut heureusement compter sur ses acteurs et notamment la jeune Andrea Bertzen qui incarne Kaya, l’héroïne du long-métrage, pour porter admirablement le scénario jusqu’au bout. Ainsi, le grand final laisse stupéfait et plonge dans l’horreur absolue alors que les portes d’un avenir salutaire semblaient enfin s’ouvrir.

En bref ! Utøya 22 Juillet est une reconstitution terrifiante des attentats norvégiens. Extrêmement éprouvante, l’œuvre d’Erik Poppe ancre durablement le cauchemar éveillé des victimes dans l’esprit des spectateurs. Réalisé avec maestria, le tout est porté par de jeunes acteurs talentueux.

03.10.2018

3.5

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Commentaires

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vincenzobino

il y a 6 ans

4.5: Signe Kaya's eyes
22 juillet 2011: le parlement d'Oslo est le théâtre d'un attentat. Au même moment sur l'île d'Utoya à une centaine de kilomètres, Kaya, sa sœur Emily et 300 autres jeunes membres du parti travailliste sont réunis pour un congrès en forme de camp scout. Ils ne se doutent pas qu'ils allaient recevoir une visite policière des plus déplaisantes. Nous suivons en temps réel Kaya durant l'assaut.
S'il est un attentat qui a profondément marqué la décennie en cours, c'est bien l'attaque de l'île d'Utoya. Et des l'entame, si vous ignoriez tout de l'assaut, vous êtes tout de suite mis devant le fait accompli. Et c'est là que Pope frappe fort: "on a beau avoir lu les journaux, je ne vais pas vous servir un film politique ou un blockbuster d'action. Je vais vous raconter, avec des noms fictifs mais en me basant de témoignages de survivants l'enfer vécu.
Le résultat est sidérant: aucune musique, aucun zoom ou effet quelconque. Nous sommes littéralement participants du congrès et donc pris au piège. Et cette seule pensée fait littéralement froid dans le dos.
Dans le même style, Éléphant de Gus Van Sant m'avait laissé totalement froid car l'on vivait le massacre de Columbine sans état d'âme ni quelconque accusation du point de vue du tueur. Ici, l'expérience suggérée est bien plus saisissante : l'horreur est uniquement audible, à une exception près (séquence du reste marquante); dans le rôle de Kaya, l'inconnue Andréa Bernsten nous sort tout simplement la performance féminine de l'année; la lenteur apparente des secours après le premier téléphone d'appel à l'aide interpelle. Et surtout, l'on ne voit qu'une fois l'auteur du massacre que je me refuse de nommer et l'unique son musical du film est une espèce d'illumination. Et je ne vous mentionne pas l'avant-dernière séquence qui, 45 minutes après être sorti de salle, m'est toujours ancrée.
A recommander vivement... Merci M.PopeVoir plus


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