L'adieu à la nuit France 2019 – 104min.

Critique du film

Grand-mère, je te quitte pour Daesh

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Curieusement présenté hors compétition cette année au festival de Berlin, le film avait pourtant l’envergure et la poigne d’une sélection officielle. André Téchiné s’attaque, après Nos années folles, à cette jeunesse française qui aspire au djihad. À la barre, l’éternelle Catherine Deneuve et le brillantissime Kacey Mottet Klein.

Sujet sulfureux et rétif, un projet qui débute avec le livre de David Thomson (Les Français jihadistes, Les Arènes). André Téchiné situe son intrigue au beau milieu d’un centre équestre de l’ouest de la France, une toile quasi mythologique, loin des conventions sociales et religieuses. Le réalisateur nous rappelle la statistique “Les candidats jihadistes français viennent à 60 % des classes moyennes, à 30% des classes populaires et à 10 % des classes aisées.“. Le candidat dont il est question est interprété par l’excellent Kacey Mottet Klein, à nouveau chez Téchiné après Quand on a 17 ans (2017). Une figure post-adolescente aux antipodes de l’imaginaire collectif sur les prétendants à Daesh.

Belle gueule, trouble et lacune parentale, l’équation d’Alex est subtile. Sa partenaire aussi, Lila (Oulaya Amamra), d’une délicatesse maternelle avec les patients de la maison de retraite où elle travaille, pourtant en proie à une déshumanisation radicale. Au milieu, Catherine Deneuve signe une prestation des plus touchantes (on pense inévitablement à la scène de la séquestration). Une émotion dans la gorge, une procession douloureuse, une tension interminable, un thriller presque. L’exode vers la Syrie, chapeauté par un très bon Stéphane Bak, et l’impuissance de l’entourage sont assourdissants. Dans L’adieu à la nuit miroite avec humanité l’actualité d’une France sous pression, et ce jusque dans ses chapitres les plus inflammables : Islam, radicalisation, immigration et intégration.

En bref !

Une éclipse en ouverture, comme un signe avant-coureur, L’adieu à la nuit est une plongée dans l’obscurantisme du djihad et sa quête d’éternité. Une distribution impeccable emmenée par un Kacey Mottet Klein littéralement bouleversant. André Téchiné est décidément un réalisateur d’une grande humanité.

15.05.2019

4

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

CineFiliK

il y a 5 ans

“Entrer dans la lumière”

Muriel, propriétaire d’un centre équestre, accueille pour quelques jours Alex, son petit-fils, avant qu’il ne s’envole pour le Canada. Lorsqu’elle le découvre prier Allah en cachette, elle ne peut que s’interroger sur ses véritables intentions.

« Ne regarde pas l’éclipse, ça brûle les yeux ». Une mise en garde destinée à Muriel, alors que la lune devance le soleil. Mais face à son garçon qui désire entrer dans la lumière et dire adieu à la nuit, la grand-mère ne peut se résoudre à détourner le regard. Il n’y a pas à réfléchir, il faut agir. Quitte à prendre le risque de s’éteindre.

Bien ancré dans son époque, André Téchiné affronte à 76 ans un sujet d’actualité périlleux : la radicalisation islamiste. Son approche, sensible et délicate, montre deux mondes antagonistes qui se côtoient, séparés par une clôture électrifiée. Dans un montage parallèle, il filme d’un côté une fillette trop maquillée qui se déhanche en débardeur devant sa famille avinée et guillerette. De l’autre, les futurs combattants en blanc ou voilés écoutent religieusement l’Imam leur parler de l’au-delà promis. Un contraste clair-obscur irréconciliable ? Difficile de comprendre cette jeunesse en manque de repères et pétrie de contradictions, prête à mourir avec fierté et tuer dans l’espoir d’une autre vie. Téchiné n’explique rien. Il montre sans juger ni condamner. Et se tourne vers une nature généreuse – cerisiers en fleurs, fruits juteux, chevaux galopant et sanglier sauvage – pour rasséréner les âmes et réconforter les cœurs.

7/10Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


vincenzobino

il y a 5 ans

2.5: Le cavalier djihadiste
Premier jour du printemps 2015, massif du Canigou: Alex arrive chez sa grand-mère Murielle, propriétaire d’un manège, après avoir subitement arrêté ses études de médecine et rencontré Lila, une jeune infirmière en maison de retraite. Orphelin depuis la mort de sa mère, le jeune homme cherche à se rendre au Canada mais n’a pas d’argent. Froid avec Murielle, cette dernière découvre que son petit-fils s’est converti à l’Islam et prévoit de se rendre en Syrie sous l’égide de Bilal. Comment convaincre son propre sang de ne pas franchir la ligne rouge? Tel était le pitch de cette apparente dénonciation du mal-fondé d’une telle croyance. Le traitement me laisse de marbre.
Le jeu photographique est remarquable : du premier plan nous soumettant une éclipse aux champs, en passant par les regards inexpressifs des protagonistes rendant juste compte de leurs motivations. Et Catherine Deneuve est magnifique
Mais par contre, le procès attendu sur ce mal-être manque cruellement: illustration avec cette espèce de compassion suscitée par cet ex-djihadiste dont l’issue finale me retourne; illustration surtout avec le dernier geste de Muriel qui après avoir fait tout juste sitôt le pot aux roses découvert va par son ultime acte totalement discréditer son combat et ainsi offrir une nouvelle chance à un coupable ne la méritant pas. Et en plus, il manque un complément sur la mère d’Alex
A vous de voir mais surtout pas si vous avez été indirectement témoin d’actes terroristes, tels qu’ils soient. Vous ne pourrez je pense pas supporter ce final...Voir plus


andreifge

il y a 5 ans

Belles images, acteurs crédibles, Kacey Mottet Klein toujours aussi percutant mais qui peine un peu avec l'incongruité de la situation. Une bonne partie des dialogues concernant la propagande djihadiste est issue des documentaires et d'interviews des jeunes fascinés par cette folie meurtrière, ce qui rend le film un peu didactique et convenu, sans toutefois aller jusqu'à offrir des réponses toutes faites à la question du désœuvrement de certains jeunes, même intégrés, en quête d'une spiritualité qui passe par le feu et la destruction de la société en général, mais aussi de leurs liens familiaux et leur passé.Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


Autres critiques de films

Gladiator II

Red One

Venom: The Last Dance

Le Robot Sauvage