Si Beale Street pouvait parler Etats-Unis 2018 – 119min.
Critique du film
Une romance poétique et engagée
Dans le New York des années 70 à Harlem, Tish et Fonny, deux jeunes afro-américains, sont amoureux. Elle est enceinte et ils envisagent de se marier. Cependant, l’arrestation et l’emprisonnement injustifiés de Fonny vont bouleverser leur engagement et la famille de Tish va tout faire pour prouver son innocence.
Avec Moonlight, Barry Jenkins retraçait le parcours d’un jeune afro-américain gay de l’enfance à l’âge adulte dans un quartier difficile de Miami. Sa série en cours de production, The Underground Railroad, reviendra sur la condition de la population afro-américaine au temps de l’esclavage et Si Beale Street Pouvait Parler s’attarde, lui, en profondeur sur les injustices ségrégationnistes vécues par cette communauté dans le New-York des années 70.
Ainsi, le long-métrage est un pamphlet politique acerbe de la société américaine et de sa justice arbitraire, voire tronquée. Cependant, porté par deux voix (celles de Tish et Fonny) qui fondent la narration, le film de Barry Jenkins est une œuvre à deux niveaux. Cette ségrégation et cette dénonciation, Barry Jenkins les inclut en effet au cœur d’une romance d’une élégance envoûtante. Un amour d’une puissance folle qui offrira des séquences intimes d’une grande beauté (cette première fois), des discussions terrassantes (le retour d’un ami, un parloir déprimant) et une mélancolie viscérale.
Le cinéaste charmait déjà grâce à ses gros plans dans Moonlight. Ici, il réussit encore à séduire et à enivrer lorsqu’il en use. Le récit avance alors au même rythme que la spiritualité des deux personnages principaux, et permet de retranscrire avec poésie leurs émotions et de les faire ressentir au plus profond des spectateurs.
Évidemment, en prenant allègrement son temps, le long-métrage subit quelques baisses de rythme non-négligeables. Cependant, les prestations des acteurs, de la fragile Kiki Layne (dont c’est le premier rôle au cinéma) à l’hypnotisant Stephan James, en passant par la déterminée Regina King, ainsi que la bande-originale de Nicholas Britell (déjà sur Moonlight) suffisent à rattraper les quelques stries de cette œuvre poignante et pleine d’espoir.
En bref !
Avec la vulnérabilité de ce couple, la beauté de son amour et l'injustice qui le scinde, Si Beale Street Pouvait Parler offre une romance délicate, spirituelle et engagée. Il y a parfois un faux rythme mais il permet de déployer de sublimes personnages bercés par une bande originale enivrante.
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Commentaires
“Etreintes brisées”
Tish et Fonny se connaissent depuis toujours. Agés de 19 et 22 ans, ils attendent leur premier enfant. Mais Fonny est emprisonné, accusé de viol.
Leurs mains ne tiennent plus ensemble. La vitre froide du parloir les en empêche. Le racisme de cette Amérique des années 70 a brisé leurs étreintes. Face à l’injustice ambiante, ils luttent et tentent de résister. La situation serait-elle foncièrement différente aujourd’hui ?
Après l’oscarisé Moonlight, Barry Jenkins adapte les mots magnifiques de James Baldwin, penseur et romancier mis en lumière par Raoul Peck dans son prégnant documentaire I am not your negro. Son image est belle, irisée, se concentrant sur les gestes, les visages, estompant les contours. Une esthétique langoureuse, soulignée par une musique lénifiante. Un cinéma évanescent que l’on admire sans véritablement s’en imprégner. Par contraste, les images d’archives en noir et blanc de l’époque qui surgissent parfois ont plus d’impact. Reste la parole sage d’un bailleur, rare main blanche à se tendre vers le couple noir : « Qu’importe la couleur de votre peau, moi j’aime simplement les gens qui s’aiment. »
6.5/10… Voir plus
Dernière modification il y a 5 ans
4.5: Les tables de la loi
Tish, vendeuse de parfums, aime Alonzo, artiste sculpteur, et est enceinte de lui. Mais Alonzo n’est pas auprès d’elle, accusé d’avoir violé une portoricaine, il est emprisonné et en attente de son jugement. Comment Tish va-t-elle porter cet enfant avec le risque qu’il ne connaisse jamais son père car Fonny, surnom d’Alonzo et Tish sont noirs et que les règles ne sont visiblement pas les mêmes que pour les blancs.
Le voici donc le retour de Barry Jenkins, dont l’oscarise Moonlight ne m’avais absolument pas enthousiasmé. Il y avait du scepticisme mais un nom attisa ma curiosité, James Baldwin. Et la curiosité s’avère ici un très beau défaut.
9 mois, ça vous change une vie : le fait de fonder une nouvelle existence et d’en voir une autre bouleversée. Jenkins réussit à merveille ce qu’il n’avait su faire avec son film plébiscité : nous toucher et faire vibrer pour son couple.
Il illustre également le rôle fort de la prière et la religion a ici un rôle primordial : prier et accepter son semblable même s’il n’a pas la même éducation chrétienne.
Une beauté pure se dégage de son film: les corps sont filmés avec une force visuelle marquante, les interprètes sont magnifiques, particulièrement Regina King en future grand-mère qui va tout faire pour que le bonheur, tant absent au sein de sa famille, puisse subvenir. Une musicalité également magnifique avec notamment un chant final gospel dont le propos illustre le sort final de Fonny qui fait réfléchir sur la Justice.
A recommander vivement… Voir plus
Dernière modification il y a 5 ans
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