Midsommar Etats-Unis 2019 – 147min.
Critique du film
Waco Summer
Très remarqué avec son premier film d’horreur Hérédité, Ari Aster revient avec un autre cauchemar : Midsommar. Une œuvre qui, comme la précédente, revendique clairement une posture auteurisante et l’intention de traiter de thèmes profonds, en plus de faire peur. Après le deuil et la perte, il sera question ici de co-dépendance et de relations conjugales abusives, en plein cœur de l’été suédois pendant lequel le soleil ne se couche jamais.
Dani et Christian sont sur le point de se séparer quand la famille de Dani est touchée par une tragédie. Attristé par le deuil de la jeune femme, Christian ne peut se résoudre à la laisser seule et l’emmène avec lui et ses amis à un festival estival qui n’a lieu qu'une fois tous les 90 ans et se déroule dans un village suédois isolé.
Si la recette semble similaire, et si le style hypnotique du réalisateur n’a quasiment pas changé - il s’est même en réalité «juste» encore plus affûté et convoque régulièrement des images absolument saisissantes -, on sort de Midsommar en ayant la sensation tenace que ce second film a à la fois tout et absolument rien à voir avec Hérédité... et qu’il semble en tout point supérieur à son aîné.
Alors, qu’est-ce qui a changé ? Si ce n’est que la photographie s’avère encore plus raffinée que celle d’Hérédité (même si elle ne s’est pas encore débarrassée de quelques effets de style un peu chichiteux), c’est bien l’écriture qui a radicalement changé de posture. Hérédité était déjà une histoire complexe, mais dont le schéma narratif global restait relativement simple à comprendre. Midsommar complète ce dispositif de départ classique (voire assez cliché) avec cette fois-ci la présence de nombreuses zones morales (très) grises, notamment pour le spectateur.
Plus Dani s’enfonce dans les tréfonds du festival folklorique, auquel elle assiste en parallèle à sa relation pour le moins toxique avec Christian, plus le spectateur qui l’accompagne dans son voyage moral se retrouve en porte-à-faux entre deux postures morales intenables. Une tenaille qui broie l’esprit jusqu’au climax final, aussi improbable que magistral par son immoralité, où Ari Aster parvient, on ne sait par quel miracle, à conjuguer de nombreux sentiments dichotomiques, entre souffrance aigüe et soulagement intense. Littéralement une délivrance, alors que Midsommar atteint son point le plus noir.
Midsommar est à ce titre un petit bijou vicieux, d’autant que son auteur n’a rien perdu de son sens du choc, et les traumatisés du poteau d’Hérédité en auront pour leurs frais face à une séquence tarpéienne proche de l’insoutenable. Pour autant, si les scènes les plus réussies de Midsommar décrochent véritablement la mâchoire, le film est régulièrement rattrapé par son genre, dont il ne parvient pas à s’extraire totalement. Certains pans de l’histoire se développent ainsi un peu laborieusement, notamment en ce qui concerne les personnages secondaires. Le statut de chair à canon de Will Poulter se devine par exemple en 15 secondes, tandis que l’aspect «secte» de la communauté du film n’est pas toujours très inspiré et donne lieu à quelques scènes dont l’étrangeté mue plus en ridicule qu’en effroi (bon courage pour rester concentré durant la scène de copulation rituelle).En bref!
Le raccrochage avec les rails du genre est douloureux pour Midsommar, mais Ari Aster nous offre un véritable festin pour les yeux, et un bon gros lot de scènes aussi vénéneuses qu’ahurissantes, et surtout profondément cinématographiques. Mangez la viande, et laissez les petits légumes sur le côté de l’assiette.
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Commentaires
“Plein soleil”
Dani vient de perdre sa sœur et ses parents dans de tragiques circonstances. Ebranlée, la jeune fille accepte d’accompagner son ami Christian en Suède. Etudiant en anthropologie, il souhaite expérimenter les coutumes ancestrales d’une communauté locale isolée, lors du solstice d’été.
Le soleil brille haut dans le ciel et jamais ne se couche. Mais à force de l’admirer, on ne peut que s’y brûler. Rassurants d’habitude, la lumière éclatante, la blancheur des sourires et la blondeur scandinave se font menaçantes. Si la nature est belle, elle se montre aussi cruelle.
Soignant le deuil et les peines héréditaires par l’ésotérisme, Ari Aster s’amuse des clichés liés au genre. Ses joyeux hippies, tuniques blanches et couronnes de fleurs, prennent un plaisir malin à torturer l’étranger idiot venu les ausculter. Leurs tisanes hallucinogènes bouleversent les sens et la raison, au risque de rendre leurs rituels grotesques. Les plans sont posés et durent. On observe à distance ces danses, ces chants et ces saignements, sans jamais entrer dans la transe. Ni ennui, ni surprise, ni frémissement.
6/10… Voir plus
Dernière modification il y a 5 ans
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