The Dead Don't Die Suède, Etats-Unis 2019 – 105min.

Critique du film

Jim Jarmusch a les crocs

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Film d’ouverture du 72e Festival de Cannes, retour après Gimme Danger et surtout la pépite Paterson, Jim Jarmusch a l’honneur d’ouvrir les hostilités avec une comédie zombiesque, portée par un casting de haut vol.

Nous faisons connaissance avec Cliff Robertson (Bill Murray) et Ronald Peterson (Adam Driver), deux flics qui font régner l’ordre à Centerville, un petit patelin où rien ne se passe. Mais des choses inexplicables commencent à apparaître : la lune reste omniprésente, le jour joue les prolongations, les animaux s’excitent et l’ambiance aussitôt devient bizarre. Cerise sur le gâteau : les morts reviennent à la vie. Le monde part en cacahuète.

Bob l’ermite (Tom Waits), un gros flingue en bois dans les mains, aurait volé un poulet, d’après Miller (Steve Buscemi), le fermier du coin. Fier porteur d’une casquette flanquée d’un « Make America White Again » et, surtout, pote avec Hank (Danny Glover), un habitué du café, afro-américain… Là est l’humour décalé. Le cinéma de Jim Jarmusch, avec ses facéties, ses drôleries, tout en décalage, toujours désabusé et nonchalant. Des bizarreries, coquecigrues existentielles, un cauchemar éveillé qui voit l’agent Peterson répéter encore et encore que tout cela va mal finir et qu’il a même lu le script. C’est vu : Jim Jarmusch veut nous prendre à contre-pied. Alors quand la Terre a dévié de son axe, les zombies viennent s’inviter à la fête de Centerville. Open bar pour nos amis les zombies.

Ce coin reculé des États-Unis où tout est suspendu, où le café matinal reste un passage obligé de la journée, où le poste de police ne compte que 3 collaborateurs : Cliff, Ronald et Minerva, interprétée par Chloë Sevigny. Il y a l’étrange croque-mort, Zelda (Tilda Swinton), une Écossaise totalement barrée, adepte des chorégraphies un sabre à la main. Il y a Bobby Wiggins (Caleb Landry Jones), surnommé Frodon par son ami facteur (RZA). Et il y a les inconnus, les touristes, joués par Selena Gomez, Austin Butler et Luka Sabbat, qualifiés de « hipsters de Cleveland ».

Et les zombies dans tout ça ? Iggy Pop débarque - avec un superbe maquillage - pour s’empiffrer de chair fraîche, lui le mort-vivant caféinomane. Les autres fleurissent, avec différents mots en bouche : « wifi », « fashion », « bluetooth » ou encore « chardonnay ». Des mots qui ne sont pas anodins, dont le message est bien clair : le monde creuse sa propre tombe par ses agissements. Jim Jarmusch, le grand, le talentueux, hisse le drapeau de la (grosse) critique sociétale en bonne et due forme. La société de consommation est égratignée de manière un peu approximative, Jarmusch empêtré dans un message difficile à cerner dans une première heure mais un film de très bonne facture. Un humour qui roule, qui amorce une très bonne première partie avant de sombrer dans un message alarmiste (trop) appuyé. Comme une impression que Jarmusch s’est emmêlé les pinceaux au moment du bouquet final.

En bref !

Un très joli casting, parfois sous-exploité, comme Iggy Pop en zombie ou Steve Buscemi dans son costume de fermier grincheux, mais The Dead Don’t Die fait montre d’une belle maîtrise humoristique, d’un ton décalé comme on les aime. Toutefois, l’hommage appuyé à Georges Romero - Dawn of the Dead ? - est boursouflé, un peu maladroit. Une fin amère, abrupte, mais difficile de bouder notre plaisir.

21.06.2019

3.5

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Commentaires

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Eric2017

il y a 5 ans

Un film décalé mais porteur de messages sur la société telle qu'elle est aujourd'hui. Ce film n'est pas simplement un film de zombies. Jarmusch porte un regard sur notre société et à sa manière nous dit que se monde de vivanst est déjà mort. Quelques notes d'humour s'ajoutent à ce récit comme celle où Bill Murray demande à Adam Driver pourquoi il répète sans cesse que ça va mal finir! (G-04.06.19)Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


CineFiliK

il y a 5 ans

“Z comme zombie”

Il se passe des choses étranges à Centerville, bourgade américaine sans importance. Les montres s’arrêtent, nuit et jour s’inversent et les animaux ont fui. Il est grand temps pour les morts de sortir de leur sommeil.

Cette mise en place alléchante s’éternise. Et puis, plus rien… A peine quelques éléments explicatifs prétextant un désaxement du globe en raison de pontages intempestifs dans le Grand Nord. Quelques cure-dents lancés à la face des politiques – Donald et ses sbires –, des morts-vivants exsangues réduits en fumée par leur vanité matérialiste, et une louche de références surlignées aux classiques du genre – Romero, Hitchcock et Pop culture.

La belle brochette de comédiens semble mystérieusement absente. Plombés par la léthargie ambiante, les personnages principaux agacent par leur grande passivité. Quant aux plus dynamiques, ils finissent vite en menu du jour. Le shérif Peterson – Adam Driver – confesse avoir lu le scénario. Il n’a pas dû être long à dévorer. Pour nous dire que tout est foutu et que seuls les ermites asociaux seront sauvés, Jarmusch manque cruellement d’idées et de génie. Lui dont les vampires étaient les derniers romantiques vivants – Only lovers left alive – confirme ici que « zombie » s’écrit avec un z.

4.5/10Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


vincenzobino

il y a 5 ans

3.5: Un jour sans faim
Cliff et Ronnie sont les deux policiers de la petite bourgade de Centerville, perdue au milieu de nulle part. Entre un motel, un kiosque et un restaurant pub, pas grand monde ne s’y arrête habituellement. Jusqu’au jour où, le soleil ne se couchant pas et l’orbite terrestre s’en voyant déplacée, les cimetières de la localité se vident de leurs occupants et ces derniers, à la recherche de chair humaine, se retrouvent confrontés aux quelques survivants conduit par une experte du sabre et l’unique geek de Centerville.
Le voici donc ce film d’ouverture cannois qui divise tant: les pro zombies criant au scandale, les cinéphiles à l’ancienne semblant apprécier cette satire du genre. Je suis clairement du second groupe.
Les représentations zombies sont abominables et les séquences chocs se comptent sur les doigts des mains niveau gore. Mais Jarmusch se contrefiche du genre: il y inclut un historique cinématographique assez éblouissant en se permettant d’y inclure western, kung-fu et même... science-fiction.
Le résultat est un delirium pur qui fait un certain bien, avec notamment une ultime pique autobiographique sur le fait d’être réalisateur. La BO est excellente et le voyage final procure une sacrée rencontre finale.
Se laisse tout à fait voir si le quarantième degré est de mise en attendant bien la fin du film...Voir plus


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